Description
L’Intégrale d’une oeuvre majeure d’un des grands de la BD contemporaine.
Avec ce récit historique teinté de romance et de politique, Gibrat a suscité un enthousiasme public et critique que les années ne démentent pas.
Juin 1943. Caché dans le grenier de la maison de l’instituteur, mise sous scellés par la milice, Julien observe la vie quotidienne du village de Cambeyrac, où il a grandi et où on le croit mort. Déclaré disparu à la suite du bombardement du train qui devait le conduire en Allemagne, et dont il s’était échappé, il attend la fin de la guerre de son poste d’observation. Les actes d’amours et de haine, les lâchetés, l’héroïsme et les compromissions des habitants de Cambeyrac se déroulent sous ses yeux, comme autant de tableaux banals et cruels de la France occupée. Et puis il y a Cécile, la belle Cécile dont il est secrètement amoureux, et dont il interprète inlassablement les faits et gestes jour après jour. Jusqu’à ce que le destin, moqueur et implacable, ne se rappelle à lui, et ne lui signifie que tout cela n’était guère plus qu’un sursis.
Dans la petite bourgade de Cambeyrac, en Aveyron, la guerre occupe tous les esprits, mais la vie ne s’arrête pas pour autant : pastis en terrasse et partie de boules devant le café, la vie pourrait être plus dure… C’est sans compter sur l’ordre de mobilisation, qui envoie tous les jeunes gars du coin au massacre, et les incursions de l’armée allemande dans les rues du village, qui ont vite fait de rappeler la population à une triste réalité.
Ainsi se déroule le fil de l’histoire, entre l’obstination de certains à ignorer le conflit et la volonté d’autres à y prendre une part active. Les habitants de Cambeyrac s’en trouvent divisés, entre ceux qui attendent l’arrivée des Alliés avec impatience et ceux qui ne cachent pas leur sympathie pour la cause de l’occupant. À l’image de tout un peuple et chacun à leur manière, tous s’engagent dans une lutte fratricide qui voit les camarades d’antan s’opposer les armes à la main. Dans ce contexte pour le moins délicat, Julien tente d’écrire sa propre histoire. Déserteur, il se réfugie dans un pigeonnier avec vue sur la place, se faisant le témoin privilégié des débats entre villageois. Pourtant, de son nid d’aigle, c’est surtout la belle Cécile qu’il observe, elle qui, dans sa jolie robe rouge, illumine ses journées par ailleurs bien monotones.
Greffer une romance à un récit historique aux accents politiques très prononcés, voilà un exercice très classique mais périlleux dans lequel Gibrat se montre à son avantage. Soucieux de détailler le caractère de ses personnages par de longs textes joliment tournés ou de belles réparties cinglantes, l’auteur renforce constamment la crédibilité des situations et l’attachement – ou au contraire le dégoût – que le lecteur éprouvera sans doute envers les protagonistes d’un récit aux allures de drame.
L’éloge ne serait pas complet sans évoquer le dessin de Gibrat. Fin et élégant, il s’accompagne d’un large panel de couleurs lumineuses et bien dosées pour peindre des paysages qui, des ors de l’automne au blanc de l’hiver, rivalisent de beauté. La représentation des personnages, bien typée mais se gardant des clichés, ne se départit pas d’un caractère quelque peu figé qui pourrait être reproché à l’auteur. Mais une telle réserve paraît dérisoire devant tant de charme. En la personne de Cécile, Gibrat ne sera-t-il pas parvenu à créer une héroïne qui, loin de la figure classique de la femme fatale, aura su marquer durablement l’esprit d’innombrables lecteurs ?
À l’heure de fêter les vingt ans de sa collection de prestige, Dupuis ne pouvait décidément pas passer outre une série culte qui a donné à son créateur une nouvelle dimension. Alliant avec classe un fond historique superbe de réalisme et une fiction qui sait faire preuve d’une juste retenue dans le romantisme, Le sursis a certainement sa place au pinacle de la bande dessinée contemporaine.
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