Description
Dès que avais été délivré des premiers soins du retour, j’avais été voir Flaubert, qui s’était réinstallé à Croisset; il n’avait pu encore se remettre au travail, essayait de lire et n’y parvenait pas. Son esprit était ailleurs; où donc? Sur le Nil, dans les défilés du Liban, sous les cyprès du champ des morts de Scutari. Il me disait: Te souviens-tu’? Il me par lait du reis de notre cange, de nos drogmans, des bazars de Damas, de notre course à la mer Morte, du grand chapiteau ionique sur lequel nous nous étions assis au milieu des ruines de Sardes. Parfois il s’écriait Chcich Mohammed an’nabi! Imitait le bruit des avirons tombant dans l’eau et avait les larmes aux yeux. En Orient, il avait la nostalgie de la Normandie; en Normandie, il avait la nostalgie de l’orient. Pauvre grand homme, dont l’intelligence désirait toujours, regrettait toujours et ne jouissait jamais. Je lui dis: Tu t’es cependant bien ennuyé dans notre voyage. Il me répondit: Oui, mais je voudrais le recommencer. Il a toujours vécu ainsi, tiraillé par le passé, attiré par l’avenir et ne pouvant se résoudre à accepter le présent.
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